Une fracture territoriale existe entre l’Hexagone et les départements et régions d’outre-mer (DROM) concernant la santé mentale des jeunes, tel est le constat de l’étude réalisée par la Mutualité Française avec les Instituts Montaigne et Terram. Les indicateurs du mal-être Outre-mer sont plus élevés qu’en métropole. Et les ultramarins souffrent d’un manque d’information et de moyens pour accéder aux soins. Face à ce constat, la Mutualité Française développe la prévention en Guyane.
La méthodologie de l’étude
La Mutualité Française, l’Institut Montaigne et l’Institut Terram se sont associés pour concevoir l’enquête intitulée « Santé mentale des jeunes : de l’Hexagone aux Outre-mer, Cartographie des inégalités ». Elle a été réalisée du 14 au 30 avril 2025 auprès de 5 633 personnes âgées de 15 à 29 ans, représentatives de la population française (métropole et départements et régions d’Outre-mer).
Dans chacun des DROM (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte, La Réunion), environ 120 jeunes ont été interrogés.
L’enquête comportait 23 questions visant à explorer différents aspects de la santé mentale des jeunes : leur auto-évaluation psychologique et psychique, leur satisfaction vis-à-vis de leur territoire de vie, leurs habitudes quotidiennes, leur perception de l’avenir ou encore leur niveau de stress… L’étude a été complétée par une mesure des symptômes dépressifs.
La fracture territoriale dans les DROM
Parmi les résultats de l’enquête sur la santé mentale des jeunes, plusieurs données éclairent la disparité entre l’Hexagone et l’outre-mer :
- Alors que seulement 9 % des jeunes en Bourgogne-Franche-Comté et 19 % en Provence-Alpes-Côte d’Azur estiment avoir une mauvaise santé mentale, ce chiffre atteint 26 % en Martinique et culmine à 32 % à La Réunion.
- Par ailleurs, la proportion de jeunes indiquant une santé mentale « ni bonne, ni mauvaise » est sensiblement plus élevée dans les DROM (30 %, contre 21 en moyenne).
- Autre démarcation : les jeunes ultramarins sont 39% à être en dépression selon l’enquête. Ce niveau d’intensité dépasse largement celui constaté dans les régions métropolitaines, où les proportions oscillent entre 19 % (en Bourgogne-Franche-Comté) et 27% (Ile de France) et 28% (Provence-Alpes-Côte d’Azur).
- Près de la moitié des jeunes interrogés dans les DROM (47 %) déclarent n’avoir jamais ressenti le besoin de s’adresser à un professionnel, malgré une autoévaluation dégradée de leur santé mentale. Ils ne sont ainsi que 30 % en moyenne à avoir parlé de leur santé mentale à un professionnel – un taux environ 10 points inférieur à celui observé dans l’Hexagone (entre 35 et 43 %).
Pour expliquer ces chiffres et le faible recours aux professionnels de santé, partons en Guyane où opère la Mutualité Française.
Etat des lieux et actions de prévention en Guyane
Didier DEDE, président de la Mutualité Française Guyane et Ludmya WEISHAUPT, la responsable dressent l’état des lieux et présentent leurs actions de prévention.
« En Guyane, nous avons la plus jeune population de France. 1 habitant sur 2 avait moins de 25 ans selon l’enquête Insee réalisée en 2020 » souligne Ludmya WEISHAUPT, et qui développe : « Les 18-25 ans sont particulièrement précaires : 30% n’étaient ni en formation ni salarié, en 2023. Après Mayotte, la Guyane est la région française où le niveau de vie de la population est le plus faible. L’emploi et les lieux de formations sont concentrés sur le littoral du territoire et en particulier sur son chef-lieu. Les infrastructures sont à développer. Et une partie de la population est particulièrement isolée, ne pouvant se déplacer que par la voie fluviale ou aérienne. Inactivité, chômage, insécurité, pauvreté précarisent et impactent la santé mentale. »
Au niveau de l’accès aux soins, la situation est délicate : « La Guyane est l’un des plus grands déserts médiaux en France et la psychiatrie est le parent pauvre. Avec sa situation géographique, le recrutement y est complexe. Et au niveau des formations, les choses évoluent mais plus lentement que les besoins locaux. Pour exemple, le regroupement hospitalier public est devenu centre universitaire en 2025 seulement !» relate Didier DEDE, président de la Mutualité Française Guyane.
Pour agir en matière de prévention, la Mutualité Française Guyane propose plusieurs ateliers, avec le soutien de l’ARS, en particulier à destination de la jeunesse du territoire. En partenariat avec l’Université de Guyane et le CROUS, « depuis 2020, nous organisons 3 sessions par an sur la gestion du stress et le sommeil sur les campus à Cayenne, Kourou et prochainement à Saint Laurent du Maroni. Nous travaillons avec des infirmières, musicologues et des sophrologues » décrit Didier DEDE qui ajoute « Nous faisons également la promotion du sport-santé auprès des étudiants et des jeunes en détention. Notre référent en activité physique adaptés (APA) donne des cours dans le quartier des mineurs de la prison de Rémire Montjoly, près de Cayenne, en partenariat avec la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Nous sommes également partenaires de la Mission locale qui accompagne les jeunes dans leur réinsertion. Nous leur proposons des ateliers sur la gestion des courses, la lecture des étiquettes, la cuisine rapide et équilibrée, les bases de la nutrition pour consolider leurs projets mais surtout leur autonomie ».
Enfin, précise son président : « la Mutualité Française Guyane dispense un programme nutrition-santé pour apprendre les bonnes pratiques alimentaires aux élèves de CE1 des zones prioritaires d’éducation. Nous travaillons avec une nutritionniste, des sophrologues, des éducateurs sportifs. Il s’agit de lutter contre l’obésité, les produits transformés étant plus sucrés dans les DROM qu’en Hexagone. Nous accompagnons ainsi 900 enfants par an dans le cadre d’un cycle de 5 ateliers avec des cours de cuisine, du sport mais aussi la gestion des émotions…Ce programme est complété par « un café des parents » pour leur transmettre également les règles essentielles d’hygiène alimentaire ».
Pour continuer de prendre soin de la santé mentale des jeunes, Ludmya WEISHAUPT, responsable de projets prévention de la Mutualité Française Guyane souhaite suivre la formation Premiers secours en santé mentale (PSSM) avec l’objectif de pouvoir former à son tour des étudiants qui serviront de relais auprès de leurs pairs.